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EMILIA PEREZ

❤️❤️❤️❤️

La transition d’un projet casse gueule vers une pépite d’une originalité folle.

Affiche film

Manitas, un chef de cartel mexicain, contacte Rita, une avocate travaillant pour un cabinet dont la philosophie est de blanchir des criminels. Il décide de l’engager pour l’aider à changer de vie : devenir la femme qu’il a toujours rêvé d’être et disparaître de la circulation (parce que oui, dans le milieu des cartels, ça passe encore moins bien que dans le reste de la société…).
Ah oui, j’ai aussi oublié un détail : c’est une comédie musicale…

Donc là, en quelques lignes, j’ai perdu la moitié des lecteurs, qui passeront donc certainement à côté d’un très grand film, car EMILIA PEREZ est un ovni, mais surtout une petite pépite.

Alors oui, c’est une comédie musicale et ça chante vraiment beaucoup, mais on est plus proche d’un ANNETTE ou d’un DANCER IN THE DARK que d’un WEST SIDE STORY (qui est soit dit en passant ma comédie musicale préférée). Quand je dis ça, c’est pour expliquer qu’ici, les moments chantés sont loin des standards de Broadway et ne cherchent pas à en mettre plein les yeux avec des chorégraphies ultra-léchées et des morceaux qui restent en tête. Non, dans Emilia Perez, les chansons servent vraiment le scénario et sont plus souvent des introspections dans les pensées des protagonistes. Chaque chanson fait évoluer les personnages d’une manière ou d’une autre.

Pour autant, le film est très esthétique et Jacques Audiard prouve une nouvelle fois qu’il a un sens du cadrage exemplaire. Même si on n’est pas dans le grand spectacle, c’est visuellement somptueux. On notera aussi que l’ensemble est soutenu par une superbe bande originale, mêlant les genres musicaux.

Même si le film traite de la transidentité, c’est loin d’être le seul thème abordé.
Il y est beaucoup plus largement question de recherche de soi en général : pour le personnage du chef de cartel par rapport à son genre, pour celui de l’avocate par rapport à son travail, et pour celui de la femme par rapport à son épanouissement sexuel.
Le thème de la famille est aussi central, tout comme les victimes collatérales des crimes perpétrés par les cartels.

Le film navigue ainsi entre le thriller, le film noir, le drame et la quête de rédemption. On pourrait penser que le film s’éparpille, et pourtant, grâce à son écriture exemplaire, l’ensemble forme un tout d’une grande profondeur.

Mais surtout, le film est porté par trois actrices bluffantes et dirigées de manière remarquable.
Karla Sofia Garcon en tête, qui impressionne par son charisme et l’émotion qu’elle arrive à dégager. Et même si le chant et la danse ne sont pas son fort, elle réussit à nous livrer de grands moments d’émotions dans ces scènes.
Zoe Saldana se libère des grosses productions hollywoodiennes et livre une prestation éblouissante (aussi bien dans l’intensité de son jeu que dans le chant ou la danse).
Selena Gomez, même si son rôle est moins important, n’est pas en reste et parvient à donner de l’épaisseur à son personnage.
Toutes les trois font en sorte que la dramaturgie prenne, et que le film réussisse à toucher profondément le spectateur.

Une nouvelle fois, Audiard prend des risques en sortant de sa zone de confort. Il nous livre ici un projet fou qui aurait pu être casse-gueule, mais au contraire, il est à la hauteur de ses ambitions et mélange les genres à merveille pour nous proposer un film aussi original qu’abouti.

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