LES GRAINES DU FIGUIER SAUVAGE
❤️❤️❤️❤️💛
Est-ce que ça ne serait pas la véritable Palme d’Or 2024 ?
Voici le nouveau film iranien de Mohammad Rasoulof, dont j'avais adoré la précédente réalisation Le diable n’existe pas, un film composé de quatre épisodes indépendants, qui dénonçait la peine de mort appliquée aveuglément dans son pays.
LES GRAINES DU FIGUIER SAUVAGE s'inscrit dans la continuité de ce dernier.
On y suit Iman, un père de famille, qui vient d’être promu au prestigieux poste de juge d’instruction au tribunal révolutionnaire, contraint de signer en série des condamnations à mort injustes.
Mais si son poste assure une sécurité financière à sa famille, il la met aussi en péril.
Le réalisateur a l’intelligence de situer son intrigue lors de l’émergence du mouvement révolutionnaire « Femme, Vie, Liberté », déclenché après la mort de Mahsa Amini, une jeune femme décédée à la suite de violences policières après avoir été arrêtée pour « port de vêtements inappropriés ».
Mohammad Rasoulof plante ainsi la graine de son titre, avec une métaphore entre la révolution qui gronde à l’extérieur et celle qui prend racine dans le cercle familial.
On assiste à un huis clos familial où les deux filles du juge, cloîtrées dans l’appartement, découvrent, grâce aux réseaux sociaux, l'horreur qui se déroule dans les rues. Ce monde extérieur est représenté par des vidéos d'archives glaçantes des manifestations et des violences policières.
Tout au long du film, l’intrigue se renouvelle et glisse doucement du drame familial vers un thriller implacable.
Même si Mohammad Rasoulof vise avant tout à dénoncer la dictature de son pays, il n’oublie jamais de faire du cinéma. Sa mise en scène est exemplaire, avec des cadres millimétrés instaurant une véritable tension, comme lors d’un plan-séquence magistral ou d’une séquence d’interrogatoire glaçante.
On retiendra aussi cette scène à la fois insoutenable et poétique, symbole d’une jeunesse violentée, qui restera probablement l’un des plus beaux plans de l’année.
La puissance qui se dégage du film est saisissante, avec une tension dramatique qui capte l’attention du spectateur pendant trois heures sans jamais faiblir.
Mohammad Rasoulof nous livre un film magistral, d’une grande densité, et surtout un vibrant hommage à cette jeunesse qui s'est soulevée contre un régime théocratique et machiste. Il est d'ailleurs surprenant qu'il ne soit reparti du Festival de Cannes qu'avec un prix « spécial » du jury, mais Les graines du figuier sauvage restera pour moi l'un des plus grands films de 2024.