PAUVRES CRÉATURES
❤️❤️❤️❤️
J’ai vu ce film il y a deux jours et ce n’est pas plus mal d’avoir pu prendre le temps pour le digérer avant d’en parler. Car à la sortie de la salle, je n’étais pas sûr de savoir à quel point j’avais aimé ce film, mais ce qui est certain c’est que depuis son visionnage, je ne cesse d’y penser.
A l’instar de film comme MOTHER !, ANNETTE ou autre BEAU IS AFFRAID, la proposition est tellement radicale qu’elle marquera indéniablement le spectateur…
Je vais essayer d’en dévoiler un minimum, car la découverte de l’univers est un des grands atouts du film. Donc pour faire simple, on a affaire à une relecture du mythe de Frankenstein au féminin (enfin, ça va BEAUCOUP plus loin que ça…)
C’est le genre de film qui ne ressemble à aucun autre et qui s’écarte de tous les standards au point de risquer de laisser sur le bas-côté une partie du public. Et je dois bien avouer que j’ai eu du mal à rentrer dedans.
Le film commence par un huit clos en noir et blanc au rythme assez lent mais nécessaire pour la suite.
On y découvrira Bella, cette femme ramenée à la vie avec une âme d’enfant et retenue enfermée par son créateur pour la préserver du monde extérieur.
Et justement le film va prendre toute son ampleur, pour devenir une quête initiatique, quand elle partira dans une odyssée folle à la découverte de ce monde dont elle ignore tout.
Sur la forme le film est assez exceptionnel et c’est une des raisons pour lesquelles il est aussi marquant.
La direction artistique, extrêmement maitrisée, nous offre une aventure baroque et visuellement déconcertante, avec des décors hallucinants aux couleurs chatoyantes.
Visuellement c’est éblouissant, et chaque titre découpant le chapitrage du film est à lui seul une œuvre d’art.
D’autant plus que Lanthimos a un vrai don pour composer ses plans, et même si souvent l’image peut paraitre surchargée, on en prend plein les yeux.
L’histoire a beau se passer dans notre monde, tout semble ici surréaliste, comme s’il nous montrait cet univers tel que le perçoit notre héroïne. Cela donne au film des airs de rêves ou de cauchemars, tant tout semble être là pour mettre le spectateur dans un certain inconfort.
Que ce soit par ses visuels, ses personnages, ses situations, ou même par la musique souvent dissonante, il y a constamment un côté baroque et une sensation de malaise qui survole l’ensemble.
D’autant plus que la mise en scène du réalisateur fait tout pour renforcer l’étrangeté de l’œuvre.
Il pousse constamment les curseurs à fond, risquant même parfois l’overdose…
Il utilise notamment une multitude de focales, allant du grand angle au fish-eye, donnant parfois la sensation d’espionner ce qui se passe à travers un judas.
Mais, même si ça apporte un côté visuel intéressant, parfois ça m’a laissé dubitatif et m’a donné l’impression qu’il use et abuse de ce procédé un peu artificiellement…
Le pitch du film ressemble donc bizarrement à celui d’un certain BARBIE, avec cette femme candide découvrant le monde extérieur, mais avec un message féministe beaucoup plus fort.
On a ici un parcours initiatique, avec cette émancipation d’une femme sans filtre, exprimant la moindre de ses pensées, à l’image d’un enfant et ignorant les codes de notre société. Ce qui lui permettra de se libérer du patriarcat ou de la misogynie des hommes, alors que tous ceux qu’elle rencontre cherchent d’une manière ou une autre à avoir une emprise sur elle. Ainsi, les pauvres créatures du titre représentent bien plus ces hommes qui voudraient la contrôler que notre Bella…
Mais surtout, le film va parler d’une femme qui, sans préjugé, va s’approprier et disposer de son corps, sans s’inquiéter du regard des autres. D’ailleurs, si vous avez un souci avec le sexe au cinéma, le film risque de vous poser un sérieux problème, car il a une place centrale ici. Le film va notamment multiplier les scènes de nudité, mais jamais de façon gratuite ou voyeuriste et apportant au contraire quelque chose au message du film.
Après, je dois aussi avouer que même si le propos du film est pertinent et plutôt bien exploité, et bien ça traine parfois en longueur et qu’il a tendance à trop insister sur les situations, car oui les 2h20, même si le film a d’indéniables qualités, je les ai senti passer.
Mais il y a Emma Stone…
Mais il y a EMMA STONE !!!
Mais quelle prestation !!!
À elle seule, elle fait prendre au film une ampleur phénoménale.
Même si le reste du casting est vraiment bon, avec notamment un Mark Ruffalo irrésistible et un Willem Dafoe touchant, elle met la barre tellement haut et efface tous les défauts du film.
Elle se donne corps et âme pour ce rôle et montre une nouvelle fois l’étendue de son talent d’une façon déconcertante.
Son jeu évolue subtilement au fil des scènes, aussi bien dans son expression corporelle que par sa façon de s’exprimer.
Et puis il y a son regard, ses yeux dans lesquels tu plonges littéralement et qui a eux seuls arrivent à te faire ressentir les émotions qu’elle véhicule.
Clairement, elle se voit offrir ici le rôle d’une vie et sa prestation marquera l’histoire du cinéma.
Bref, même si j’ai trouvé que Lanthimos a tendance à en faire parfois un peu trop, aussi bien sur le fond que sur la forme, passant à deux doigts du chef d’œuvre, il nous livre un film éblouissant porté au sommet par une immense actrice.